Se poser des questions
Il y a des périodes de sa vie où on se pose beaucoup de questions.
Comme tous les enfants, je me suis posée des questions existentielles. Et je serai reconnaissante toute ma vie à mes parents pour m'avoir laissé explorer mes chemins, m'avoir laissé la liberté de poser des questions, encore et toujours.
Quand je suis entrée au collège, je suis partie dans un établissement privé catholique. Pure stratégie d'évitement scolaire (ma mère m'a demandé de préciser que ce n'était absolument pas pour éviter dans l'absolu le collège de quartier, mais simplement parce qu'après une année de CM1 passée à lire des livres que j'avais le droit de ramener en classe et une année de CM2passée à fabriquer des maisons de poupées (je n'avais plus le droit de lire) il fallait que je me trouve dans un endroit où on me ferait bosser un peu).
Je me considérais alors comme une athée implicite (cf Vocabulaire ). Partir dans un établissement tenu par des soeurs m'a conduite à me poser des questions sur la religion.
Je suis donc allée voir ma mère pour savoir où je pourrais lire la Bible. Et nous sommes allées ensemble en acheter un exemplaire.
Je l'ai lue, en entier, avec soin.
A travers la lecture de l'Ancien Testament, j'ai perçu (du haut de mes dix ans) que le judaïsme était une religion de respect de l'autre. Et j'ai infiniment admiré ce respect, qui m'a aidée à grandir.
Du Nouveau Testament, je garde la notion d'amour. Que tous les hommes étaient frères, je le savais déjà. C'est une des évidences de ma vie, des choses dont je ne doute pas. Mais ce texte m'a aidée à le formuler.
La Bible m'a beaucoup apporté, et j'ai su grâce à elle que je n'avais pas la foi dans les religions révélées.
Ensuite, j'ai voulu lire le Coran. Je l'ai dit à ma mère, et nous sommes allées ensenble en acheter un exemplaire.
De ma première lecture du Coran, j'ai finalement assez peu de souvenirs. Je me souviens surtout d'avoir pensé que c'était très proche de la Bible par beaucoup de points. Il me faudra découvrir le soufisme pour véritablement me plonger dans ce texte.
Je ne lirai le Mahâbhârata que trois ans plus tard.
J'en ai conclu que sur le domaine de la foi, j'étais une agnostique.
De la même époque date ma découverte des Lumières. Je lisais Voltaire, Diderot, Montesquieu en même temps que les textes sacrés. Découverte du "cogito" de Descartes, et crise existentielle (j'en avais déjà eu, des crises existentielles, j'ai eu une période "Secte des Egoïstes" pour reprendre le titre d'un livre d'Eric-Emmanuel Schmitt, vers mes huit ou neuf ans). Mais avec Descartes est venue pour la première fois la certitude de ne rien savoir.
Que Je étais un Autre, je le savais depuis Rimbaud (CE2...), que je n'existais peut-être pas, ça m'avait aussi traversé la tête (oui, au bout d'un moment je me suis lassée de croire que les autres n'existaient pas et j'ai fini par me dire que c'était peut-être bien moi qui n'avais pas d'existence, pour ce que j'en savais).
Le Cogito ne m'a jamais convaincue : je suis d'accord qu'il y a quelque chose qui doute, donc quelque chose qui pense, mais qui me dit que ce quelque chose c'est moi ? cela m'a semblé être un artifice de langage. Si c'était un verbe impersonnel (sur le modèle de "il pleut") que ce truc qui pense soit "je" ça ne nous aurait peut-être pas paru aussi évident.
A onze ans, j'en ai donc conclu que je n'existais peut-être pas, pas plus que vous d'ailleurs.
Donc je me suis posée des questions sur tout. Sur le sens de l'Univers aussi bien que sur la politique. Sur la philosophie, sur l'économie, sur l'histoire, sur l'humanité et sur ce que j'allais manger le lendemain.
Des questions, des questions, toujours des questions (exemple : Révélation). Et à chaque fois, essayer de me comprendre. Car c'est en comprenant qui je suis, comment je pense, pourquoi je réagis ainsi, que j'essayais (essaye ?) d'appréhender le monde.
Ce qui a un peu calmé le tourbillon, ç'a été ma découverte de l'Architecture. Et donc du sens que je voulais donner à ma vie.