Sacrifice
Exercice 21 d'écriture ludique. Ce texte appartient à l'univers du Rêve, comme Les apparus dans mes chemins et Le choix du Rêve.
Il faut utiliser au moins quinze mots parmi une liste de vingt-cinq mots. Ils ont tous été utilisés.
Parfois je les déteste.
Je les déteste tous autant qu'ils sont. Ceux qui sont prêts à sacrifier mon Alik à leurs espoirs stupides, et Alik qui se laisse faire.
Bien sûr, c'est en partie ma faute. Je n'ai pas su réagir quand Alik a commencé à m'en parler, en Novembre, je crois.
" Mon amour, si j'ai vraiment le pouvoir de sauver ce monde, d'en faire une terre où tous les enfants pourront vivre en paix, ce serait vraiment lâche de ma part de ne pas le faire... "
Et de poser ma main sur mon ventre encore plat, avec son sourire enjôleur.
J'ai reniflé, chassé mes larmes d'un revers de manche, et soufflé :
"Bien sûr mon chéri, je comprends."
Mensonge !
Tout mon corps tremble. Mensonge, Alik. C'est moi qui suis lâche. Tous les enfants du monde ? Et le nôtre, d'enfant, y songes-tu ?
Quand tu m'abandonnes pour te soumettre de bon gré à leurs expériences ?
Alik, je ne survivrai pas à ton absence.
Je les hais.
Je hais leurs paroles persuasives, leurs regards pleins d'une compassion simulée. Alik, suis-je la seule à voir que ton sort ne les intéresse pas ? Ils sacrifieraient indifférement Dérel, Rania ou toi. Ils s'en fichent. Vous n'avez d'importance à leurs yeux que dans votre capacité à sortir du Rêve.
Alik, mon aimé, tu es un crétin. J'aurais dû t'empêcher de passer ces maudits tests. Simplement, je ne croyais pas que tu les réussirais. J'aurais dû opposer mon veto lorsque tu as entrepris d'expliquer avec un enthousiasme que je prenais pour une extravagance la manière dont on se laisse glisser dans le Rêve en résistant au tourbillon.
Mais tu jubilais littéralement de ce que tu percevais comme une chance, une manière de participer au bien communautaire, et je n'ai pas eu le coeur de te dire ce que je pensais.
Aujourd'hui je sais que je l'aurais dû, quitte à voir ton visage se décomposer. Te hurler que tu n'avais pas le Don, que tu n'avais rien d'exceptionnel, affronter ton courroux, ta déception. Nous disputer, crier à s'en casser la voix, comme si on s'égorgeait mutuellement, et au matin, savoir que j'avais gagné et que je n'aurais pas à te voir te sacrifier.
Pas à affronter ta lente déchéance et ton emprisonnement progressif dans les rets du Rêve.
Mais tu arrivais, les yeux brillants - des yeux que j'imaginais déjà noyés par la souffrance - et tu disais avec cette joie puérile qui me donnait envie de te secouer :
"Stérya dit que j'ai un potentiel formidable et bla bla bla."
Je me retenais de te cracher au visage que Stérya raconterait les mensonges les plus lamentables si elle pensait que cela servait sa cause. Si ma colère est exacerbée contre quelqu'un, c'est bien contre elle !
La stryge.
Dérel a été bien inspiré le jour où il l'a nommée ainsi. Jamais nom n'a mieux convenu. Je l'imagine aisément se pencher sur toi, mon Alik, et te vider lentement de tes forces vitales. S'enchaîner à toi, sous prétexte d'être un point fixe, réel, dans l'univers onirique. Censée ralentir ton abandon à l'alchimie du Rêve. Empêcher ta transformation. Et finalement, se retrouver debout sur ton cadavre desséché.
Alik, tu ne peux deviner mon soulagement le jour où Dérel a été choisi. Le jour où j'ai compris que mes craintes étaient sans objet. Et oui, j'ai été lâche, parce que j'ai été heureuse de savoir que tu vivrais, même si cela signifiait qu'un autre mourrait. J'en aurais volontiers sacrifié cent, des inconnus, pour que toi tu vives. Pour que mon bébé ait un père.
J'arrive à terme et Dérel est mort hier. Et désormais je vois passer le temps avec la peur lancinante que tu viennes m'annoncer que tu le remplaces...
Il faut utiliser au moins quinze mots parmi une liste de vingt-cinq mots. Ils ont tous été utilisés.
Parfois je les déteste.
Je les déteste tous autant qu'ils sont. Ceux qui sont prêts à sacrifier mon Alik à leurs espoirs stupides, et Alik qui se laisse faire.
Bien sûr, c'est en partie ma faute. Je n'ai pas su réagir quand Alik a commencé à m'en parler, en Novembre, je crois.
" Mon amour, si j'ai vraiment le pouvoir de sauver ce monde, d'en faire une terre où tous les enfants pourront vivre en paix, ce serait vraiment lâche de ma part de ne pas le faire... "
Et de poser ma main sur mon ventre encore plat, avec son sourire enjôleur.
J'ai reniflé, chassé mes larmes d'un revers de manche, et soufflé :
"Bien sûr mon chéri, je comprends."
Mensonge !
Tout mon corps tremble. Mensonge, Alik. C'est moi qui suis lâche. Tous les enfants du monde ? Et le nôtre, d'enfant, y songes-tu ?
Quand tu m'abandonnes pour te soumettre de bon gré à leurs expériences ?
Alik, je ne survivrai pas à ton absence.
Je les hais.
Je hais leurs paroles persuasives, leurs regards pleins d'une compassion simulée. Alik, suis-je la seule à voir que ton sort ne les intéresse pas ? Ils sacrifieraient indifférement Dérel, Rania ou toi. Ils s'en fichent. Vous n'avez d'importance à leurs yeux que dans votre capacité à sortir du Rêve.
Alik, mon aimé, tu es un crétin. J'aurais dû t'empêcher de passer ces maudits tests. Simplement, je ne croyais pas que tu les réussirais. J'aurais dû opposer mon veto lorsque tu as entrepris d'expliquer avec un enthousiasme que je prenais pour une extravagance la manière dont on se laisse glisser dans le Rêve en résistant au tourbillon.
Mais tu jubilais littéralement de ce que tu percevais comme une chance, une manière de participer au bien communautaire, et je n'ai pas eu le coeur de te dire ce que je pensais.
Aujourd'hui je sais que je l'aurais dû, quitte à voir ton visage se décomposer. Te hurler que tu n'avais pas le Don, que tu n'avais rien d'exceptionnel, affronter ton courroux, ta déception. Nous disputer, crier à s'en casser la voix, comme si on s'égorgeait mutuellement, et au matin, savoir que j'avais gagné et que je n'aurais pas à te voir te sacrifier.
Pas à affronter ta lente déchéance et ton emprisonnement progressif dans les rets du Rêve.
Mais tu arrivais, les yeux brillants - des yeux que j'imaginais déjà noyés par la souffrance - et tu disais avec cette joie puérile qui me donnait envie de te secouer :
"Stérya dit que j'ai un potentiel formidable et bla bla bla."
Je me retenais de te cracher au visage que Stérya raconterait les mensonges les plus lamentables si elle pensait que cela servait sa cause. Si ma colère est exacerbée contre quelqu'un, c'est bien contre elle !
La stryge.
Dérel a été bien inspiré le jour où il l'a nommée ainsi. Jamais nom n'a mieux convenu. Je l'imagine aisément se pencher sur toi, mon Alik, et te vider lentement de tes forces vitales. S'enchaîner à toi, sous prétexte d'être un point fixe, réel, dans l'univers onirique. Censée ralentir ton abandon à l'alchimie du Rêve. Empêcher ta transformation. Et finalement, se retrouver debout sur ton cadavre desséché.
Alik, tu ne peux deviner mon soulagement le jour où Dérel a été choisi. Le jour où j'ai compris que mes craintes étaient sans objet. Et oui, j'ai été lâche, parce que j'ai été heureuse de savoir que tu vivrais, même si cela signifiait qu'un autre mourrait. J'en aurais volontiers sacrifié cent, des inconnus, pour que toi tu vives. Pour que mon bébé ait un père.
J'arrive à terme et Dérel est mort hier. Et désormais je vois passer le temps avec la peur lancinante que tu viennes m'annoncer que tu le remplaces...