Séville 1

Publié le par Harmonie

Elle s'était retrouvée près du hublot. Elle avait docilement attaché sa ceinture, prêté attention au type au bout de l'allée qui mimait les gestes à faire en cas d'accident, en sachant parfaitement qu'elle ne s'en souviendrait pas si accident il devait y avoir.
Elle avait somnolé plus ou moins jusqu'au décollage. Elle avait émergé de sa torpeur une fois franchie la couche de nuages. Ce soudain retour au soleil - un soleil clair et lumineux sans avoir l'agressivité d'un soleil estival - la réveilla. Elle apprécia ce paysage si rare, qui avait dû faire rêver des générations de poètes, cette mer de nuages qui s'étendait devant elle.
Cela lui rappelait un célèbre tableau de Caspar David Friedrich. Sauf que lui n'avait jamais pris l'avion bien sûr.

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Quelle est la raison d'être d'un nuage ? On peut répondre que c'est une histoire de condensation de l'eau, et rentrer dans des considérations compliquées et décourageantes. Ou affirmer que les nuages existent pour que les poètes qui volent par leur pensée puissent jouir de magnifiques paysages. Et pour que les voyageurs ordinaires rêvent un instant de devenir poètes, attachés à leur siège dans un avion.

Elle eut une pensée émue pour les hommes, là-bas en dessous, qui devaient pester devant un ciel aussi couvert. Mais elle ne parvenait pas vraiment à compatir. Ces nuages l'isolaient du sol, la projetaient dans un monde autre, la détachaient du quotidien. Elle devenait une voyageuse.

Bien sûr, malgré l'émerveillement, sa somnolence la reprit peu à peu. Elle ne songea à regarder de nouveau vers le sol que bien plus tard, alors que l'on survolait déjà le sud de l'Espagne. Elle aurait aimé pouvoir dire qu'elle avait vu serpenter le bleu Guadalquivir (nom provenant de l'arabe et signifiant "grand fleuve") mais en toute honnêteté le Guadalquivir ne pouvait pas être qualifié de bleu. Plutôt verdâtre, un peu de le couleur de l'argile claire que l'on utilise parfois en sculpture. Joli aussi, dans un certain sens, mais qui posait néanmoins question...

Ils avaient fini par atterrir. Elle avait beau avoir mis un pull relativement léger (elle avait eu très froid le matin), là elle avait chaud. Elle avait changé de saison pour passer de l'hiver à l'été.
Un été doux, agréable, en manches courtes, chapeau sur la tête, mais sans que la crème solaire ne devienne un accessoire de survie, et suffisamment venté pour échapper à la moiteur étouffante des trop grandes chaleurs... un été idéal, sauf qu'on était au coeur de l'hiver.

La première chose qu'elle remarqua dans la ville, ce fut les arbres (les "sabres" comme disait son guide espagnol, ce qu'elle avait eu un peu de mal à comprendre). Des orangers partout. Des orangers chargés de fruits que personne ne mangeait, du fait de leur trop grande amertume.

Mieux vaut abandonner l'amertume aux oranges et ne garder que la joie en son coeur.

Publié dans Carnets de Voyage

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M
Non, je n'ai pas goûté! Tu l'as fait? Cette ville est magique, sinon. De toutes façons, l'art arabo-andalou est mon préféré.
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H
Oui... :-)Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'après on comprend le sens du nom "oranges amères".
M
Bonjour!<br /> J'ai visité Séville l'année dernière (et je suis encore sous le charme), et j'ai moi aussi été très étonnée de toutes ces oranges à portée de main! ça donne vraiment envie!
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H
Est-ce que tu as tenté de goûter ? Ca ne donne plus du tout envie... :-)
T
C'est superbe Harmonie ! J'attends la suite avec impatience :-) (j'adore prendre l'avion, et ta photo résume exactement pour quelle raison...)
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H
J'ai pris très rarement l'avion dans ma vie, ce qui explique peut-être l'aura de mystère et de poésie qui l'entoure encore.
A
Super de pouvoir partager un peu de ton voyage ... et je suis d'accord avec toi : Laissons l'amertume aux oranges sévillanes et ne gardons que la joie !
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H
Merci Antiochus, j'espère que tu me pardonnes d'avoir supprimé la deuxième version de ton commentaire ?
S
Fouchtra ! Que voilà un bel et bon début ! On attend la suite :-)
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H
Promis, elle va arriver.