Avortement
Hier, plusieurs choses m'ont conduites à écrire ce que j'écris aujourd'hui. Cela va être clair dès le départ : je suis pour le droit à l'avortement.
Non, je ne suis pas une odieuse criminelle, ou perverse, je ne suis pas une "salope" (même si trois cent quarante-trois femmes que l'on a surnommé ainsi ont droit à mon respect). Je suis une femme.
Je n'ai jamais été enceinte, mais je sais en posant la main sur mon ventre, que j'espère avoir un jour la chance d'y sentir grandir une vie, et je suis reliée à toutes les autres femmes sur la terre, qu'elles aient ou non mis au monde des enfants. J'ai le droit de dire "nous, les femmes", car je ressens ce "nous" comme étant vrai.
Le mystère de la vie (comment se forme une nouvelle cellule, comment elle se divise pour former tout un amas de cellules, et puis à un moment, ce n'est plus un amas de cellules mais quelqu'un) voilà peut-être le seul mystère pour lequel je sois prête à courber le front.
Ceci dit, je suis pour le droit à l'avortement.
Je comprend que l'on puisse ne pas vouloir avorter, quelles que soient les circonstances, pour soi-même, mais pas qu'on l'interdise.
C'est une décision infiniment difficile que l'avortement. Une décision que bien souvent on est obligée de prendre seule. Une décision que l'on ne prend pas à la légère, non, car il n'y a que dans les ligues anti-avortement que l'on peut sérieusement défendre le portrait de la femme perverse allant gaiement à l'encontre de la "Nature".
C'est un deuil à faire, et il n'est pas moins violent, pas moins lourd à porter, parce qu'il a été décidé.
J'entend déjà les critiques : "ah, vous voyez, vous parlez de deuil, c'est donc que vous reconnaissez le statut d'être humain !". On peut faire le deuil de ses espoirs, de ses rêves, des potentialités. Si demain on m'annonce que je suis stérile, il faudra que je fasse le deuil de ces enfants que je ne mettrai jamais au monde, qui n'existent pas, qui au sens de la biologie n'ont même jamais existé, mais qui pour moi ont tout de même une existence, puisque je les ai conçus (dans le sens de concepts, par la pensée).
Je pourrais peut-être parvenir à comprendre que l'on souhaite interdire l'avortement, en considérant que la contraception existe, et qu'il y a même la "pilule du lendemain" pour les "accidents" (exceptant de l'interdiction les cas de viols, et les avortements pour raisons médicales).
Mais bien souvent, ce sont les mêmes qui veulent interdire l'avortement et qui réprouvent l'usage des contaceptifs.
Au nom de quoi la contraception est-elle mauvaise, ça, j'avoue honnêtement n'avoir jamais réussi à le saisir. Empêcher une potentialité, cela ne m'a jamais paru être un crime.
La loi Neuwirth de 1969 (seulement 1969 !) qui autorisait la contraception, est pour moi une des grandes lois de l'histoire de la République.
Parce qu'elle autorisait enfin les femmes à être les égales des hommes, parce qu'elle admettait implicitement que l'on peut avoir envie de faire l'amour sans souhaiter concevoir un enfant.
Au delà de tous les reproches "éthiques" que l'on pourrait me faire (et c'est difficile de se heurter à des résistances bien souvent issues de la foi religieuse), il y a ce simple fait : tous les ans, des femmes choisissent d'avorter.
Dans les pays où l'avortement est interdit, des femmes choisissent quand même d'avorter.
L'avortement n'est pas nouveau, il y a toujours eu des "faiseuses d'anges", même dans l'Antiquité, quelle que soit la culture.
"Oui mais, c'est parce que la société actuelle ne permet pas aux femmes d'avoir des enfants ! Il faut mettre en place une politique familiale qui permettent de les garder !". C'est dans l'autre sens que ça marche : mettez en place cette politique, et quand il n'y aura plus d'avortements en France, vous pourrez fermer les centres. Nul besoin d'interdiction.
Je n'y crois pas, et je ne crois pas qu'aucun de ceux qui défendent cette "politique familiale" croit sincèrement qu'elle puisse être efficace.
Moi, j'ai parfois un côté très pragmatique : d'un côté,j'ai des femmes qui avortent dans de bonnes conditions, sans craintes, avec l'assistance d'un médecin, pour qui tout se passe bien, et qui pourront plus tard mettre au monde des enfants qu'elles ont désirés. De l'autre, j'ai des femmes isolées, désespérées, qui agissent en cachette, dans de mauvaises conditions, avec parfois l'aide d'un ou d'une "faiseuse d'ange", parfois seules, qui risquent de se blesser et de devenir stériles pour cause de manques de soins, voire de mourir, et qui vivront avec l'angoisse qu'on les dénonce, et qu'elles aillent finir leurs vies en prison.
Je suis donc pour le droit à l'avortement.