Cauchemar du soleil couchant

Publié le par Harmonie

L’horizon est d’azur quand le soleil est au zénith. J’aime la nuit et la perle dans son écrin de velours noir serti d’étoiles. Mais l’angoisse étreint mon cœur quand l’astre du jour, lançant ses derniers rayons dans le ciel rougeoyant, vermeil et sanguinolent, disparaît englouti par la terre en fureur.
L’herbe de ces collines vallonnées est d’un vert printanier. Bientôt viendra le temps de la floraison du cerisier. Mais dans l’axe de mon regard, sur les flancs pantelants de ce monticule, des fleurs fanées pour qui l’éclosion n’est synonyme que de souvenirs d’un songe oublié.
La tête me tourne comme si j’avais inhalé un vin capiteux. L’équilibre m’abandonne, je chancelle. Les arcanes brisés du fond de mon esprit, tels des rouages rouillés me jouent des tours, m’envoient des mirages.
La notion de temps échappe aux flots tumultueux de mes folles pensées. Je sais ce que je vais voir, ou l’ai-je déjà vu ? Un fantôme d’ivoire, un spectre immaculé qui aura ton visage, tes gestes et ta voix. Le vent soufflera dans les frondaisons bleues, et les pâles contours nébuleux de cette blanche ombre finiront par s’estomper dans l’ocre du ciel.
Je veux fermer les yeux, laisser les paupières closes comme un paravent. Mais ils restent ouverts, ignorants mes suppliques. Le doux cri du zéphyr siffle à mes oreilles éclairant la scène d’une aura sinistre.
Alors sur le verdoyant tertre monte un noir cortège dont le rythme des pas a un accent funèbre. Six hommes vêtus de noir et portant sur leurs frêles épaules tout le malheur du monde et un cercueil d’ébène.
Mes cils sont soudain emperlés de rosée à l’amer goût salé pour moi semblable à de la cendre. A mes pieds, une flaque s’est créée.
Une cloche sonne dans le lointain. Oh ! J’aimerai être morte quand sonne l’angélus ! Le bruit clair des carillons m’emplit d’aise, mais ce son sonne pour moi comme le glas.
Je suis païenne, ne croyant ni au paradis ni à l’enfer. Mais selon tes croyances ton âme immortelle devrait s’asseoir à la droite de Dieu. Loin de calmer mon âme, cela la désespère. Ainsi rien, même la mort, ne pourra nous réunir ? Oh ! Sans toi tout paradis ressemble à un enfer.
Mes regrets sont éternels mais superflus ; Rien ne pourra arrêter le cours inexorable du temps.
Penser que toi qui me paraissais immortel dorme pour l’éternité dans cette sombre boîte, que tes yeux si rieurs sont à présent figés, me semble injurieux. Quoi ? Rien ne te différencie donc du commun des mortels ? Le destin est injuste ! Comme la faucheuse coupe les blés mûrs, l’avenir nous a broyés. Mais que faire contre une froide justice dont on ne sait ce qui a déclenché l’engrenage ?
L’alouette, chez toi, chantait au matin. Le cortège passe derrière la colline, là-bas sera creusée ta tombe. Qui sait peut-être chantera-t-elle ?
Ce soir le vent de l’oubli souffle. Il peut, seul, m’apporter la paix. Mais je ne veux pas oublier ! Je veux que ton souvenir, dans ma mémoire, reste gravé. Mais l’amnésie, comme un fleuve longtemps cru placide qui vient de rompre sa digue, efface tout de mon esprit révolté.
La nuit s’approche à pas de loup. Et la lune avec sa pâle clarté et sa lumière doucement tamisée par un rideau de nuages calme mon âme attristée.
Je dois me souvenir. Mais de quoi ? De qui ? Etait-ce important ou n’est-ce qu’une lubie ? Je ne sais plus.
Demain chanteront les jolies alouettes. Mais aujourd’hui je suis lasse, si fatiguée. Un brouillard cotonneux masque le vide de mes pensées. C’est le calme après la tempête. D’un œil désabusé, je regarde les ruines et décombres qui peuplent mon cœur dévasté. Mais comment relever un temple détruit dont on ne sait pour quelle divinité il a été patiemment construit ?
Mes joues sont creusées de rigoles de larmes séchées. J’essaie de faire revenir, d’immensément loin, d’anciens souvenirs : seule, une silhouette fugace revient. J’appose sur mes lèvres un ersatz de sourire. Je baissai les yeux, et, à mes pieds, je crus apercevoir, dans l’onde argentée le reflet illusoire d’une ombre du passé.


Harmonie, mars 2003
C'est un "vieux" texte (cinq ans déjà !), mais finalement pas si mauvais que ça, étant donné que j'avais treize ans...

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M
chapeau pour une enfant de 13 ans chapeau jolie blog mademoiselle
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H
<br /> <br /> Merci max.<br /> <br /> <br /> <br />
T
Tu as écrit ça à 13 ans ?! Chapeau ! 8-)
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H
Et oui, à l'époque, je faisais ma découverte de l'écriture poétique.