Hugo, l'enfant

Publié le par Harmonie

L'enfant

Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil,
Chio, qu'ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un choeur dansant de jeunes filles.

Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée ;
Il avait pour asile, il avait pour appui
Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage oubliée.

Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l'onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tète blonde,

Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
En boucles sur ta blanche épaule
Ces cheveux, qui du fer n'ont pas subi l'affront,
Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule ?

Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
Est-ce d'avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
Qui d'Iran borde le puits sombre ?
Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,
Qu'un cheval au galop met, toujours en courant,
Cent ans à sortir de son ombre ?

Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?
- Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.


Victor Hugo
Les Orientales

Ce poème m'a bouleversée la première fois que je l'ai lu, et je continue à le trouver extrêmement "puissant", tant dans sa forme que dans son fond.

Publié dans Poésies que j'aime...

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C
Je ne connais pas le titre. J'ai trouvé ce poème dans " Le Journal" de Julien Green
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H
<br /> <br /> Je chercherai.<br /> <br /> <br /> <br />
C
Une autre merveille d'Hugo<br /> "Soyez comme l'oiseau<br /> Posé pour un instant<br /> Sur un rameau trop frêle<br /> Qui sent ployer la branche<br /> Et qui chante pourtant<br /> Sachant qu'il a des ailes "
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H
<br /> <br /> C'est quel poème ?<br /> <br /> <br /> <br />
A
En fait, Verdi a, quelquefois, utilisé les vers de Victor Hugo pour certains opéras dont RIGOLETTO (tiré du "Roi s'amuse") ... Pour la petite histoire, à la première de cet opéra, Hugo était présent et il aurait avoué à Verdi qu'il était un peu jaloux car, lui, dans ses pièces ne pouvait pas (comme à l'opéra) faire parler des personnages en même temps !
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H
Merci pour cette anecdote, Antiochus.
A
En lisant les poésies d'Hugo que tu mets en ligne, les mots qui me viennent sont : capiteuses, sensuelles, profondément humaines ... Si j'osais je comparerais le grand Victor (pour revenir à un domaine qui m'est cher) à VERDI ...Qu'en penses-tu ?
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H
Je ne connais malheureusement pas suffisamment l'oeuvre de Verid pour m'avancer, même si le peu que j'en connais me semble convenir.