Lettera Amorosa
Ma mère a eu un jour l'idée étrange de m'inscrire d'office à un concours de poésie. Elle est arrivée un soir : "au fait, il faudrait que tu écrives une lettre d'amour poétique", moi : "Pardon ?!?", "ben oui, tu participes au concours de la maison de quartier, écrire ne pose pas trop de difficultés, c'est à rendre pour telle date" (je ne me rappelle plus de la date, mais c'était l'année dernière). Bon gré, mal gré, j'ai fini par l'écrire, cette lettre, mais j'ai décidé d'en faire une que le jury ne confondrait pas avec les autres... C'est un peu particulier (et un peu long), mais la voici :
A Toi,
A Toi ô mon Autre, à Toi, qui n’est pas moi mais qui me fait vivre à tout instant, à Toi, Soleil de ma Nuit, à Toi, Lune des mes Jours, c’est à Toi, mon Univers, que montent les mots balbutiés de mes maladroites prières.
Avant Toi je marchais dans les Ténèbres, je côtoyais les Ombres, je me noyais dans l’Obscurité.
Puis des sons ont vibré dans le Néant, et Ton Nom a frappé mon oreille, et toute la Création est née de ce Nom chuchoté.
Joie de mon Cœur, Tu m’as dit : « Espère » et, vois-Tu ? j’ai espéré.
Et le silence s’est peuplé de Ton Nom, et celui-ci a empli l’Univers, et d’un coup est née l’euphonie de la musique des sphères.
Et moi, humble Adoratrice, je T’ai remercié pour ce miracle.
Je me suis réjouie, Cœur de ma Vie, et un instant d’éternité j’ai vécu la symbiose parfaite avec Ton Nom, qui faisait vibrer chacune des cordes de la harpe de mon corps.
Puis le doute est entré en moi et j’ai dit : « ô Idéal, ô mon Eternel Adoré, Ton Nom ne me suffit plus, accorde-moi un Signe de Ta présence. »
Alors sont venues les odeurs suaves, la fragrance subtile qui était Tienne, et j’ai retrouvé Ta Trace dans l’encens, dans l’embaumement des fleurs. Et l’exquise tendresse des parfums m’a environnée, et je me suis abandonnée à ce gage de Ton Amour.
Vie de mon Âme, Tu m’as dit : « Espère » et, vois-Tu ? j’ai espéré.
Et le Vide a été comblé par Ton Essence, et celle-ci s’est répandue, et ce qui jusque-là était inodore a acquis les effluves les plus bénéolents.
Et moi, fervente Myste, je T’ai rendu grâce pour ce Don.
J’ai été heureuse, Âme de ma Joie, j’ai respiré cette douceur vaporeuse de Ton Être.
Puis le désir est entré en moi et j’ai dit : « ô Perfection, ô mon Souffle Vital, je T’en supplie humblement, accorde-moi un Signe de Ta présence. »
Alors sont venus les goûts, et chaque saveur Te rappelait à moi, et je retrouvais dans le Sucré le plaisir de Te connaître, dans le Salé la tristesse de ne pas T’avoir connu plus tôt, dans l’Acide la peur de ne Te connaître plus et dans l’Amer la mélancolie de ne pas Te connaître plus.
Joie de mon Cœur, Tu m’as dit : « Espère » et, vois-Tu ? j’ai espéré.
Et ce qui jadis était insipide est devenu pour moi semblable à l’ambroisie divine, un nectar délicieux puisque Ton offrande.
Et moi, Oblate à ma dévotion pour Toi, je T’ai loué pour ce Présent.
J’ai été euphorique, Cœur de ma Vie, je me suis délectée de ce fantôme de Ta substance.
Puis la tentation est arrivée et j’ai dit : « ô Absolu, ô mon Ange d’Infinitude, je souhaite davantage que ce que Tu m’as offert, je T’implore, accorde-moi un Signe de Ta présence. »
Alors sont venues les sensations, la caresse du Vent sur ma peau, la plénitude de l’Eau sur mon corps, la stabilité de la Terre sous mes pieds, la chaleur du Feu de Ton Amour autour de moi.
Vie de mon Âme, Tu m’as dit : « Espère » et, vois-Tu ? j’ai espéré.
Et ce qui autrefois était insensible a été touché, est devenu riche de milliers de sensations nouvelles, et tout un cosmos s’est ouvert devant moi, gage de Ta bonté.
Et moi, offerte, j’ai abandonné l’angoisse et l’inquiétude devant le Chemin Inconnu qui s’ouvrait grâce à Toi. Je n’avais plus besoin d’Espoir pour entreprendre le Voyage, et j’ai dit : « Je suis prête à Te suivre désormais, je suis prête à être impétrante sur la Voie de Liberté, je suis prête à renoncer aux ténèbres, à mourir pour renaître. »
Je ne T’ai pas vu sourire : j’étais encore Aveugle. Mais j’ai senti Ta main dans ma main, et j’ai su que plus jamais je n’aurais à implorer un Signe de Ta présence.
Et j’ai Vu.
Âme de ma Joie, Tu m’as donné la Lumière, et désormais aucune obscurité ne m’atteindra. Tu m’as donné la Lumière et désormais elle brille derrière mes yeux clos, et désormais tout ne fera qu’Un, et désormais tout sera semblable, en bas comme en haut, à Ton Amour.
Et avant de m’abandonner à ce paroxysme de bonheur, entourée de tous les Esprits du monde, j’ai vu étinceler l’Etoile flamboyante au creux de Ta main tendue.
Ta Tant Aimée,